> Source : Le Monde
> https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/13/nikola-ou-quand-le-camion-a-hydrogene-enflamme-la-bourse_6042740_3234.html
Nikola ou quand le camion à hydrogène enflamme la Bourse Cette start-up américaine vaut déjà autant que PSA, Renault et Fiat Chrysler réunis.
Par Eric Béziat
Publié aujourd’hui à 10h41
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> Un camion roulant à l’hydrogène, fabriqué par la start-up Nikola. ALDO_FERRERO
Ingénieur américain d’origine serbe, découvreur du courant alternatif, Nikola Tesla, mort en 1943, n’était, jusqu’à la fin des années 2000, une célébrité que pour les physiciens de l’électricité. Son nom évoque désormais pour le grand public une marque de voitures électriques haut de gamme. Et voilà que son prénom pourrait bien être associé à un nouveau pionnier de la mobilité, une start-up américaine du camion électrique à hydrogène baptisée… « Nikola ».
Nikola Corporation vient de vrombir sur le devant de la scène économique quelques jours après son entrée en Bourse, le 4 juin, à l’occasion de sa fusion avec VectoIQ, entreprise de services technologiques et financiers pour l’industrie automobile, déjà inscrite au Nasdaq, l’indice américain des valeurs technologiques. Sa capitalisation boursière a bondi, mardi 9 juin, atteignant les 34 milliards de dollars (31 milliards d’euros), soit autant que la valeur combinée de PSA, Fiat Chrysler Automobiles et Renault.
Une valorisation sidérante
Une valorisation d’autant plus sidérante que Nikola n’a jamais vendu ni même vraiment produit industriellement aucun véhicule, qu’il prévoit un chiffre d’affaires nul pour 2020, qu’il n’envisage pas de gagner son premier milliard de dollars avant 2023 et que sa propre usine d’assemblage en Arizona (le groupe a son siège à Phoenix, capitale de l’Etat) ne sera pas opérationnelle avant 2027.
Pourtant, le fondateur, en 2015, de la société, Trevor Milton, un « serial entrepreneur » de 38 ans, a convaincu de nombreux observateurs et financiers que son entreprise pourrait être une nouvelle Tesla. Et d’abord, paradoxalement, en n’appliquant pas la stratégie d’Elon Musk, laquelle consiste à faire presque tout tout seul. Nikola préfère, pour commencer, s’appuyer sur un partenariat avec CNH, une holding industrielle (anciennement Fiat Industrial) détenue majoritairement par la famille Agnelli, spécialisée dans les engins agricoles (Case, New Holland), les bus et les camions (Iveco).
CNH, qui a injecté 250 millions de dollars dans Nikola, a aussi créé une coentreprise avec la start-up de Phoenix pour assembler le premier semi-remorque de la marque, le Nikola Tre, qui devrait être commercialisé en 2021. L’engin est en réalité un modèle Iveco rebadgé, qui sera fabriqué à l’usine CNH d’Ulm, en Allemagne. « Procéder ainsi permet de disposer rapidement de moyens industriels et d’une banque de pièces », souligne Bertrand Rakoto, expert mobilité à la société de conseil DuckerFrontier, à Detroit.
La start-up affirme qu’elle a déjà engrangé 14 000 préréservations de camions à hydrogène pour environ 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Fin 2019, le géant américain de la bière, Anheuser-Busch, a annoncé la signature d’un contrat pour 800 semi-remorques Nikola. L’un des plus gros transporteurs américains, US Xpress, fait aussi partie des premiers clients. Son patron, Max Fuller, se dit très intéressé par le potentiel de l’hydrogène pour le transport par poids lourd.
Concurrencer Ford et son F-150
Car l’autre différence majeure avec la firme d’Elon Musk, c’est la stratégie technologique. Nikola parie prioritairement sur le moteur électrique alimenté par une pile à combustible (fournie par Bosch, aussi actionnaire de Nikola), laquelle produit de l’énergie à partir d’hydrogène. Mais ce n’est pas un choix exclusif. Le Nikola Tre, par exemple, sera d’abord disponible en version électrique à batterie. Les deux autres semi-remorques de l’entreprise (Nikola One et Nikola Two) sont, eux, des camions à hydrogène. Ils devraient être commercialisés en 2023.
Au catalogue, on trouve aussi un pick-up à hydrogène, baptisé « Badger », pour lequel M. Milton a de grandes ambitions. « Mon but est de détrôner le Ford F-150 », a-t-il déclaré. Autrement dit, dépasser le véhicule le plus vendu de tous les temps en Amérique du Nord. C’est d’ailleurs l’annonce, lundi, de l’ouverture des préréservations pour le Badger qui a fait flamber le cours de Nikola.
Le nouveau chouchou de la Bourse se pose en concurrent direct de Tesla qui a également en préparation un pick-up – le Cybertruck aux allures futuristes – et un semi-remorque. M. Musk vient d’ailleurs de demander à ses équipes d’accélérer la commercialisation de ce camion tout-électrique.
La route risque donc d’être longue pour Nikola avant d’atteindre le succès définitif, d’autant que la mobilité hydrogène reste tributaire du déploiement d’un réseau de stations pour le moment inexistant aux Etats-Unis, en dehors de la Californie. Et puis, la compétition ne concerne pas seulement Tesla et Ford. Des projets de camions à hydrogène ont été lancés un peu partout dans le monde. Daimler et Volvo ont annoncé, en avril, leur intention de créer une coentreprise en la matière. En Asie, l’effervescence est à son maximum : Mitsubishi, Honda, mais surtout Toyota et Hyundai, pionniers de la voiture à hydrogène, ont pris plusieurs longueurs d’avance.
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